Comptes Rendus Hebdomadaires des Séances de L'académie des Sciences, 257:2597--2600, Séance du 28 Octobre 1963.
1. ISOMORPHISMES DE CODES, éPIMORPHISMES DE CODES. ---
a. Une conjecture de Schützenberger. --- Soient deux monoïdes
libres non triviaux et
, soient deux
homomorphismes
et
de
dans
, et
soit le problème de la recherche de solutions non triviales
pour l'équation de diagonalisation
. Un
résultat de Post (
) est que cette équation est récursivement
insoluble dans le cas de
et
homomorphismes quelconques. Elle
l'est également lorsqu'on astreint
à être un monomorphisme;
Chomsky et Schützenberger ont fait observer, en effet (
), que ce cas
peut se ramener au Tag-problem de Post (
) lui-même récursivement
insoluble d'après un résultat de Minsky (
). Schützenberger a
conjecturé que l'équation
reste encore récursivement
insoluble quand à la fois
et
sont deux monomorphismes.
b. Isomorphismes de codes. --- Au lieu de , il
revient au même de considérer l'équation
, où
(ce qui est une notation abrégée pour dire
que
est une bijection de
dans
définie par
pour
). Par
facilité de langage, on appellera isomorphismes de codes
les applications telles que
. Ce terme rappelle que
; et aussi que,
désignant l'alphabet (les générateurs)
de
,
et
sont appelés des codes sur
, car, pour y quelconque de
, il existe au plus un
ensemble d'indices
tels que
, et de même pour
.
En fait, c'est surtout à l'étude des isomorphismes de code que seront
consacrées la présente Note et la suivante.
c. Définitions d' isomorphismes de codes
particuliers par donnée de relations. --- et
désignant les éléments neutres respectivement de
et de
, il va de soi implicitement pour tout
que l'on a
, avec
(d'où, d'ailleurs, une solution triviale pour
et pour
, avec
). Ceci étant, chaque isomorphisme de
codes particulier pourra être défini par la donnée d'un ensemble de
relations du type
, à condition que
et
soient des codes
et que la correspondance soit bijective. En effet,
est
implicitement défini par
,
l'est par les symboles
utilisés pour noter les
et
; et l'on peut
interpréter les relations comme des correspondances
.
d. Vérification qu'un ensemble de mots donnés est un code. ---
Plus loin, on invoquera souvent la propriété suivante : Si et
désignent respectivement un code et un préfix-code droit
sur
, et si
est un symbole (générateur de
) ne figurant pas dans
ni dans
, alors,
l'ensemble
est un code. De même, en
remplaçant
par un préfix-code gauche
,
l'ensemble
est un code. Rappelons que tout
préfix-code droit
est par définition (
) tel que, si
,
et si, avec
, on a
,
alors,
(tandis que pour les préfix-codes gauches, c'est
qui impose
).
e. Épimorphismes de codes. --- On parlera d'
épimorphisme de codes dans le cas de relations
, où
est bien un code
, mais
où
est astreint seulement à ne pas
contenir d'autres mots que ceux d'un code
.
MACHINES DE TURING RéVERSIBLES. --- Soit une machine de
Turing MT dont
et
sont les ensembles d'états et de symboles, et
les déplacements de ruban, qui peuvent être
ou 0. On peut définir MT par un
ensemble de quintuples
où les indices sont fonctions de l'indice i. A
chacun de ces quintuples, décidons d'associer un quintuple image
inverse (
;
;
;
;
). L'ensemble
de ceux-ci ne constituera généralement pas une machine de Turing; mais
lorsqu'il en sera ainsi, on dira que MT est réversible ,
et l'on donnera à la nouvelle machine le nom d'image inverse MT
de
MT. Les
seront dits images des
. La
substitution d'un
à un
dans une
configuration instantanée
sera dite passage à
à sa configuration image
. Les suites de configurations de
sont images de celles de MT, mais
les parcourt
dans l'ordre inverse. Considérons maintenant la machine R (MT), dont
l'ensemble de quintuples est
où
Preuve. --- On montre comment passer de
b. THéORèME 1. --- Le problème du stop pour
une machine de Turing réversible générale est indécidable. Il en
est de même du problème du retour à la configuration initiale, et de
celui du passage par une configuration déterminée autre que la
configuration initiale.
c. THéORèME 2. --- L'équation
(
(
(
(
(
(
désigne tout couple pour
lequel MT stoppe. Si l'on fait partir MT et R(MT) d'une même
configuration instantanée
, elles passent par les mêmes
configurations tant que MT ne stoppe pas (donc éventuellement
indéfiniment). Lorsque MT stoppe, R(MT) continue, parcourt en ordre
inverse les configurations images des configurations parcourues, et passe
par l'image de la configuration initiale. R(MT) sera dite couplage de MT
avec son image inverse.
REPRéSENTATION DE MACHINES DE TURING PAR DES éPIMORPHISMES
(OU DES ISOMORPHISMES) DE CODES. --- Revenons au cas où MT est
quelconque. A chacun de ses quintuples comportant le mouvement +1, soit
par exemple
, on
associe trois relations, à savoir ici :
.
Aux
, on associe :
.
Aux
, on associe
.
Enfin, à tout symbole
de MT, on associe
. On peut vérifier, par le procédé
donné au paragraphe 1, d, que l'ensemble de toutes ces relations
définit un épimorphisme de codes. Soit
celui-ci,
est une représentation de MT, car il en définit
l'alphabet et les quintuples. On peut, d'autre part, trouver pour les
configurations instantanées de MT des notations telles que pour tout
couple de configurations successives
on ait
. Pour cela, une configuration se composera
d'une suite de symboles
(le mot du ruban) dans laquelle on
intercalera une des lettres
ou
, avec un indice p
égal à celui de l'état
de la machine, et de façon
à indiquer, non seulement la position
du prochain symbole à
lire, mais encore celle
du symbole précédemment écrit (acev
convention particulière pour la configuration initiale). Un
signifie que
est le premier symbole à sa droite,
le
premier à sa gauche. Un
, l'inverse. Un
signifie
que
et
, confondus, sont tous deux le premier symbole à
droite de ce
. On a bien alors
. Si
certains états
ne peuvent apparaître que sous deux
seulement, ou une seule, des formes
, et soit
obtenu en retranchant de
toutes les
relations contenant des formes qui n'apparaissent jamais, alors,
est encore tel que
. Si
est un isomorphisme de codes, MT est réversible.
SIMULATION DE MT QUELCONQUE SUR
) sur une machine de Turing réversible
(de
configurations
) de façon que :
quand MT passe de
à
,
passe de
à
par
l'intermédiaire d'un nombre fini de configurations
;
on passe d'un
au suivant par un épimorphisme de
codes
, d'un
au suivant par un isomorphisme de codes
;
si les configurations initiales sont
pour MT et
pour
, avec
, alors
pour tout i, on a
, où
est un
mot, et où
sont trois symboles qui n'apparaissent ni
dans
ni dans
, si bien que
connu donne
et
;
il y a des symboles
dont chacun représente une relation de
autre que d'identité; un symbole blanc b; et pour tout i on a
, où
est la relation
intervenue dans
. Ainsi,
représente l'histoire
du calcul de MT jusqu'au temps i;
stoppe sur les
correspondant à des stop de MT, et eux seulement;
la
machine
, couplage de
avec son
image inverse, partie de
passe par la
configuration image
si et seulement si MT, partie de
, stoppe;
il existe pour
certaines
configurations instantanées
telles que, partant de
,
ne peut atteindre ces configurations
autrement qu'en passant par
(c'est-à-dire si MT,
partie de
, stoppe). On peut ainsi faire en sorte que le retour de
à
(ou bien, le passage par des
encadrés par
au lieu de
) soit
conditionné par un stop de MT.
, supposé donné
par un ensemble de relations
à l'ensemble des relations
définissant
et
. Limitons-nous à
donner le principe de cette construction, en montrant comment simuler une
instruction
de la forme
. A celle-ci, on associera :
une instruction
,
où le symbole
marque la place où l'on doit modifier
, et la nature de la modification; des instructions permettant de
conduire le contrôle à gauche de
par un état
; une instruction
, où
représente
, complètant
; des instructions
de service déplaçant
et, éventuellement aussi
,
et
tout entier, pour rétablir les blancs nécessaires dans
puis reportant le contrôle en
avec un
état
; une instruction
qui
complète
dans
.
, où
est un isomorphisme de codes, avec
est
récursivement insoluble en n pour w,
donnés quelconques.
L'equation
, avec
, est aussi
récursivement insoluble en n.
(
) Séance du 21 octobre 1963.
) N. CHOMSKY et M. P. SCHüTZENBERGER,
Computer Programming and Formal Systems, Hirschberg et Braffort,
North-Holland Publ. Co., Amsterdam, 1963, p. 118--161.
) H. WANG, Mathematische Annalen, 152,
1963, p. 65--74.
) M. MINSKY, Annals of Math., 74-3, 1961.
) M. P. SCHüTZENBERGER,
I. R. E. Trans. Inf. Theory, IT-2, 1956, p. 47-60.
) E. POST, Amer. J. Math., 65, 1943,
p. 196--215.
) E. POST, Bull. Amer. Math. Soc., 52,
1946, p. 264--268.
(Euratom, 51, rue Belliard, Bruxelles.)
Next: About this document
Michael Frank
Tue Jan 13 23:20:32 EST 1998